L'une des choses que je préfère dans mon métier, ce sont les rencontres et les moments de représentation qu'ils induisent.
Tenez par exemple aujourd'hui, je suis allée déjeuner avec deux personnes qui ne connaissaient que trop mal la société pour laquelle j'exerce mes petites compétences. C'était une première rencontre, comme un premier rendez-vous.
J'avais choisi avec soin ce matin ma tenue. Une robe sobre aux teintes neutres mais coquette, des low boots à talon qui allongent l'allure sans me faire passer pour une cocotte, un maquillage discret avec une touche color block sur la bouche.
Dans le courant de la matinée, ma motivation s'est estompée comme mon rouge à lèvres. Et puis, il a fallu y aller. Je me suis rendue au rendez-vous, elles étaient en retard. J'ai patienté, un peu grognon. Elles sont apparues et je suis, comme qui dirait, entrer en scène.
Presque deux heures durant, nous avons fait connaissance. J'ai attaqué la conversation avec l'introduction romanesque qui va bien, l'histoire dont je sais qu'elle risque de faire son effet et si tel n'est pas le cas, m'aide à sentir dans quelle voie conduire l'échange.
Quand la mayonnaise prend, je laisse de la place à mes interlocuteurs, je les interroge pour qu'ils s'épanchent et je commence à cerner leurs profils, leurs goûts, leurs tempéraments, au moins par bribes. Aujourd'hui, la discussion allait bon train, alors je me suis permise quelques notes d'humour. Elles ont ri.
Attention, tout ceci n'est pas manichéen, bien au contraire, j'aime cette forme de flirt professionnel, ce jeu charmant auquel je me livre. A titre privé, je ne risque rien, je reste pro. J'essaie de doser habilement arguments de travail et touches sympathiques. Et je suis sincère. J'aime passer ces moments avec d'autres, ces inconnus, ces autres vies que la mienne que je croise, que je pressens, elles me passionnent, et mon job me donne le vernis nécessaire, l'assurance qui me fait parfois défaut dans ma vie personnelle pour oser, être affirmée.
Je suis rentrée au bureau. Dans ma boîte mail est tombé : "Merci pour ce déjeuner".
Cette partie-là du boulot, il me semble que je sais l'assurer.
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