A la dernière session de l'atelier d'écriture, j'étais passablement contrariée. Mon côté bon élève sans doute. Je m'en vais ici vous raconter pourquoi.
Le premier exercice consistait à pratiquer l'écriture objective.
Nous avions à choisir parmi une sélection de photos de Weegee. J'avais un peu peur : pour avoir visité l'exposition parisienne il y a deux ou trois ans, je me souvenais d'images outrancières, très dures, violentes pour la plupart. Mais l'animatrice nous avait épargné les clichés les moins supportables. Mon choix se porta sur une scène prise dans un restaurant ou un cabaret, je ne sais pas, où apparaissaient plusieurs personnages tous en action.
J'écrivis pendant le temps imparti, essayant d'être la plus factuelle possible, de n'introduire aucun sentiment ou intention dans la description de mes personnages. Bon, peut-être mon intuition, j'évitais soigneusement de me relire pour une fois... Chacun lut son texte. Et je m'aperçus que j'étais à côté. Mon écriture n'était pas objective, détachée de toute impression. Sans m'en apercevoir, j'avais glissé çà et là des intentions, des émotions, des appréciations. J'avais même calé deux tournures interrogatives (mais sur le coup, je m'étais dit : s'interroger c'est faire preuve de neutralité puisqu'on ne tranche pas...non ?).
Un joli camouflet que cet exercice. Je n'avais pas respecté la règle et en plus l'un des participants s'exclama quand je retournai la photo après lecture (nous avions chacun masquée notre chacune pour ne la découvir qu'à la fin) : "Ah bah je ne voyais pas ça du tout comme ça". Le deuxième effet kiss cool. Mon visage s'empourpra, ma voix s'étrangla dans ma gorge et je dus faire quelques gestes incohérents. Vous l'aurez compris, j'avais mal pris de me planter dans les grandes largeurs. Un peu plus tard, je me livrai à l'un de mes comparses : "Ca m'a énervée... - Oui, ça s'est vu", eut-il l'outrecuidance (ou la sincérité ?) de me répondre.
J'étais contrariée, très contrariée de ne pas avoir su respecter la consigne (aussi j'aurais dû opter pour une photo avec un ou deux personnages statiques, me disais-je), d'avoir manqué à mon devoir de bon élément (une vue de mon esprit malade), de m'être gâchée par cette sorte d'échec l'un des moments favoris de ma semaine.
Et puis, une fois que la vague d'insatisfaction qui m'avait aussi brutalement qu'intensément submergée s'apaisa, je finis par trouver qu'après tout tant pis, si je n'étais pas douée pour l'objectivité, si je ne savais que raconter des histoires bourrées d'impressions, si mes descriptions étaient teintées de l'émotion que je prêtais aux personnages. Et tant mieux, si ma plume s'affranchissait parfois des règles pour écrire simplement ce qu'une image ou un instant lui inspire. C'est un petit peu ma liberté d'écrire.
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