Demain, une personne qui m'est chère s'en ira vivre un nouveau morceau de sa vie loin, bien loin d'ici. J'ai le bilan masochiste, je chéris les souvenirs, je suis infiniment trop sentimentale et tout cela me parasite. Mais je ne veux pas vous parler de moi. Je veux parler de cette personne qui s'en va et de ce que nous avons partagé.
Soit la dernière décennie + 1 : depuis l'automne 2001... Nous nous sommes rencontrés, apprivoisés, appréciés, aimés, puis il m'a détestée, je me suis détestée de le blesser, nous nous sommes éloignés, puis rapprochés en jouant une autre partition, éloignés de nouveau, rapprochés encore une fois, éloignés. Une danse étrange et compliquée.
Malgré tout, il y eut quelques constantes entre lui et moi : deux enfants uniques, des caractères assez similaires, des goûts communs pour le rock et la pop mélancolique, les chansons à texte et les comédies romantiques, du genre de celles primées à Sundance. Ensemble, nous avons écouté religieusement Camille, Elliot Smith, Nirvana, les Strokes... Il a été le seul à m'accompagner voir Vincent Delerm jouer, preuve manifeste d'un dévouement sans borne. Nous nous sommes accaparés des références cinématographiques bien de notre époque: "tiens, on aurait dit que tu étais Zach Braff et que moi Zooey Deschanels"... Oui, bon, presque... Il m'a écouté lui raconter mille fois que j'avais envie d'écrire, je suis allée l'applaudir dans des bars à Paris et reprendre, enthousiaste, les refrains de ses compositions. Il y en avait une que je préférais et qui annonçait, selon moi, le meilleur. Il a même mis en musique un texte tout pourri que j'avais écrit. On s'est raconté nos blessures de rien qui firent si mal à nos égos enflés, nous avons évoqué cent fois nos parents aimants mais aussi chiants (pardon Maman :)), nos boulots pas toujours exaltants, on s'est regardé se tromper d'amour, se prendre chacun de grosses gamelles et remonter la pente, traverser de meilleurs moments. Deux amis, un truc banal mais unique.
Il a répondu à mes appels de jeune femme parfois éplorée, il m'a raccroché au nez... après que je lui ai raccroché au nez, un bon nombre de fois ! Il est celui qui sait que lorsque le moral flanche, le pire moment de la journée, c'est le matin dans les transports, quand on est un au milieu d'une foule compacte et inerte et qu'on lutte pour se dire que ça va aller, avant que ne se pointe le prochain rayon de soleil auquel on ne croit plus, désabusé... Parce que ça lui fait la même chose qu'à moi.
Le
lien s'est distendu mais dans mon petit coeur tout tendre et mou,
l'empreinte de notre amitié, de notre fraternité est restée vivace.
Il s'en va, je ne sais pas trop si je le reverrai, si on en aura envie, besoin, l'occasion. Je suis très triste ce soir.
Je lui dis au revoir, à je ne sais quand, prends soin de toi, n'oublie pas tout à fait ta vieille branche. Trouve ce que tu cherches : c'est-à-dire toi... avec la vie qui te rendra le plus heureux possible. Je t'embrasse.