David, Stefan, Philippe, Patrick et Martin, je tenais à vous remercier, vraiment. Alors, je n'ai pas trouvé d'autre moyen que de vous consacrer une note. Tous dans la même, pas de jaloux. Et je vous tutoierai tous, laissez-moi faire, ce sera la seule et unique fois, promis.
Grâce à vos romans, tous fort différents, j'ai vécu plusieurs voyages à l'intérieur de mon voyage. Vous avez ajouté des couleurs, des visages, des histoires dans mon histoire.
David, tu m'as fait sourire, j'ai bien aimé passer de l'Angleterre aux USA sans cesse, changer de décor dans ton roman éponyme, grincer des dents face aux us de tes personnages principaux. Note bien qu'aucun n'inspire davantage la sympathie que l'autre. Ils sont un peu absurdes, je crois. Très agréable façon de découper le récit selon des principes narratifs différents et puis la fin efficace, la référence à Jane Austen et le noir soudain qui se fait sans que l'on... J'ai une tendresse particulière pour ton genre d'écriture ainsi que l'univers et l'époque dans lesquels des récits comme les tiens se déroulent. J'etais une lectrice acquise dès les premiers instants. Tu étais mon entrée en matière, celui grâce auquel je suis entrée franchement et en toute confiance dans le bain de mes lectures estivales. J'ai lu ta préface toute neuve, ton regret que cet ouvrage n'ait pas été adapté. Je comprends.
Stefan, ah Stefan, tu as du génie, il n'y a pas de mot meilleur. C'est peut-être l'une des infinies raisons pour lesquelles tu t'es supprimé, avec ton épouse, parce qu'à force de comprendre et de retranscrire avec acuité et intelligence les sentiments et les motifs des humains, je ne peux croire que l'on en ressorte indemne. Tant de fine perception et d'intensité doivent causer bien de la souffrance. Traite-moi de folle mais cette fiévreuse inquiétude de la vie, je l'ai ressentie en te lisant. Il m'est impossible de résumer mes impressions quant à ton ouvrage. Je serais forcément maladroite. Je mentionnerai simplement les pages ardentes où Edith, cause d'une pitié qu'elle abhorre, porte un regard acéré sur la société, elle-même et les autres. Ou bien encore, lorsqu'elle se livre à travers une émouvante lettre d'amour à fendre un coeur de pierre. Ton livre est si dense, il transporte car tu as su transcrire quand tu le souhaitais chaque détail d'une scène avec une infinie précision jamais ennuyeuse.
Patrick... Patrick, je ne te connaissais pas mais ton titre m'a interpelée. Digne d'un poème : La vie est brève et le désir sans fin. Je médite encore. Tu as une écriture moderne, un peu branchée même, ne t'offusque pas s'il te plaît ! Tu as gagné le Fémina en 2010 avec ce roman et c'est drôle parce que ton histoire (comme si tu avais passé au mixeur les traits de Mme Bovary avec le synopsis de Jules & Jim en les enveloppant dans le temps présent) ne dresse pas les figures d'hommes à même de faire encore espérer les femmes que leurs compagnons sont à la hauteur. Français ou américain, tes deux héros sont mous, indécis, malléables... et terriblement modernes. Les femmes prennent un peu plus de décision, le "lead" comme on dit dans mes réunions, seulement bien malgré elles, parce que les hommes qui leur font face demeurent enlisés. Bon, la fin de ton roman est un poil en dessous du reste. Mais tout de même. Comme chez David, je note que tes héros ne sont pas très aimables. Ce sont des gens qui ont du mal à vivre avec la somme de leurs erreurs et de leurs contradictions. Ils ont moins d'humour que des anglais.

Philippe, tu es une belle surprise. Grâce à la blogosphère (pas littéraire d'ailleurs), j'avais entendu parler de toi et comme j'aimais bien l'auteur des lignes qui te recommandait, en errant dans les rayons d'un megastore, je te choisis. Une écriture nerveuse et fine, de la fraîcheur à revendre (dans un roman qui évoque un incendie, c'est encore plus surprenant). Tu écris comme j'aimerais pouvoir le faire mais je me dis que le côté fort naturel et spontané émanant de tes lignes doit au contraire représenter une sacrée dose de travail, non ? Vive Voltaire ! (tu vois, ici c'est le contraire, j'ai aimé ton héros et me suis identifiée !).
Enfin Martin. Tu ne prendras pas la mouche si je dis que ton roman, du point de vue du style, n'est pas celui des cinq que j'ai préféré, n'est-ce-pas ? De toute manière, il emporte haut-la-main une autre récompense dans mon palmarès. Ce que j'ai ressenti en lisant, que dis-je en dévorant, tes pages, est mieux que l'emportement relatif que l'on éprouve en lisant un bon polar par exemple (mauvais exemple, je ne lis jamais de polar... mais j'imagine). J'entends par là que je me doutais que le personnage principal allait se retrouver métamorphosé via son parcours "initiatique". Mais, à mes yeux, ceux qui peuvent invoquer ce motif pour ne pas aimer ton livre n'ont pas compris le propos. C'est une histoire dans laquelle on chemine mais aussi des extraits à peine maquillés de la vie, tes prises de position, le message que tu veux faire passer et pour ça, parfois, tu n'y vas pas avec le dos de la cuiller. Et l'on sent une telle humanité, un tel goût des autres dans tes pages que l'on ne peut pas ne pas être un peu touché.
Et puis je t'ai écrit et tu m'as répondu. Bon, si j'avais fait pareil avec Stefan, je pourrais toujours courir pour la réponse... Trêve de plaisanterie, j'ai compris par ton livre puis par ton courriel que tu ne prenais pas grand monde de haut, qualité rare. On n'en a pas forcément besoin pour être un bon auteur. Mais à mes yeux, cher Martin, c'est un peu plus.
Voilà, cinq auteurs, cinq styles, merci Messieurs. Je reviendrai sans doute vous lire.
Liste des ouvrages, pour les éventuels intéressés :
David Lodge, Changement de décor
Stefan Zweig, la Pitié dangereuse ou l'impatience du coeur
Patrick Lapeyre, La vie est brève et le désir sans fin
Philippe Jaenada, Plage de Manacorra, 16h30
Martin Winckler, le Choeur des femmes