Je suis une petite fille aux cheveux blondis par un mois de grand et plein soleil, à ce moment de l'été. J'ai deux nattes bien serrées qui tombent dans mon dos bronzé. Ma mère me couvre de crème solaire mais je suis dehors toute la sainte journée et je suis déjà brune comme un pain d'épices.
Chaque soir, lorsque je rentre de la plage, je retrouve mes grands-parents qui sont au frais dans le petit salon de l'appartement en rez-de-jardin, qu'ils possèdent dans une station balnéaire de l'Aude. Ils ont fermé les volets, comme tous les jours, pour se protéger de la chaleur. Surtout pour ma grand-mère qui ne s'expose jamais et préserve son teint de porcelaine et son regard bleu orage des rayons du soleil.
Je frotte mes pieds sur la terrasse pour éliminer les derniers grains de sable et me glisse près d'eux, dans ma tenue de bain à peine sèche, encore pleine de sel. Le passage de la lumière vive à la pénombre plus fraîche me demande toujours un léger temps d'adaptation. Je prends place à table tandis que mon grand-père est assis dans un fauteuil en rotin tressé et fixe l'écran de la télévision au gros tube cathodique. Un bruit confus s'échappe du poste : les commentateurs parlent des coureurs, on entend un brouhaha diffus, celui de la foule qui encourage les compétiteurs sur leur passage, des cris, des klaxons, l'enthousiasme. Je dévore un brugnon bien mûr, des gâteaux parfum chocolat, mes préférés, et nous partageons en silence mais ensemble le spectacle qu'offre les cyclistes, à la montagne ou sur les Champs-Elysées, il y a des histoires de contre la montre, de maillots jaunes ou à pois... Les journées de relâche, quelque chose paraît presque manquer au rythme régulier de nos journées de vacances.
Il me semble que les cyclistes ont tous des noms improbables de personnages de cartoon et dans ces années-là, je crois, Greg Lemon est une vedette. Gérard Holtz commente déjà...
Ce rituel immuable des vacances, mon grand-père passionné devant le poste, sont des images ancrées en moi. Quand je tombe sur le Tour de France aujourd'hui, je me souviens avec une précision étonnante de ces moments, de leur saveur. Les coureurs, plus ou moins dopés, continuent d'entrer dans la légende. Le Tour de France fait partie de ma légende familiale personnelle, un goût d'enfance, un goût d'été...
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