En rentrant dans le wagon, je la vis assise là, plongée dans ses pensées. Je la reconnus immédiatement, elle n'avait pas beaucoup changé. Ses cheveux étaient plus longs, caressaient ses épaules. J'avais envie d'en savoir plus mais sans qu'elle me voit. Parce que c'est plus simple comme ça. Parce que parfois on a simplement envie d'assouvir la pointe de curiosité qui nous pique, sans soi-même se raconter.
Je l'avais bien connue dix ans avant et notre amitié, maintenant les années passées, me semble aussi intense que fugace, à peine le temps d'apprendre à se connaître sur les bancs de la fac qu'un coup du sort réduisit en poussière ce que nous avions partagé. Je l'avais recroisée par hasard un peu plus tard. Et là, maintenant. Les fantômes du passé nous renvoient à des épisodes oubliés, à ce que l'on était alors, à ce que l'on est devenu. J'étais une jeune vingtenaire aux cheveux courts et roux, je ne savais pas trop qui j'étais, ni ce que je voulais, à part lire, regarder des films, découvrir Paris, profiter de la fraîche liberté facilement acquise. J'ai 30 ans désormais. J'ai traversé de multiples épisodes, plus ou moins glorieux, plus ou moins heureux qui m'ont sans doute fait gagner un peu en épaisseur. J'aime toujours lire, regarder des films et (re)découvrir Paris...
Amélie, en jean baskets ce matin-là, a 30 ans, comme moi. Nous sommes descendues à la même station, j'ai laissé la foule travailleuse pressée remplir la faille du hasard creusée entre elle et moi...