La musique a cet avantage qu'elle fait voyager mais que c'est un voyage pour lequel il est inutile de faire ses bagages. Une téléportation automatique.
J'ai eu une discussion un jour à ce sujet avec quelqu'un qui me disait trouver que voyager c'est perdre. Ce point de vue, je l'ai d'abord désapprouvé et puis je l'ai admis. Parce qu'en voyageant, en ressentant, on doit accepter l'éphémère de l'expérience, que le mouvement est doté d'une impitoyable logique. Où qu'on aille, on laissera toujours des choses, des portes à ouvrir, des chemins de traverse inexplorés, derrière soi. C'est aussi apprendre et grandir que de voyager. Evidemment on apprend des autres mais on apprend de soi, on apprend sans doute à moins avoir besoin de posséder, chose rare dans une société où le pouvoir de la consommation occupe une place majeure.
Je me suis éloignée de la musique... La musique est un voyage, la musique est une voie vers la perception. L’autre soir, il pleuvait averse et je ne discernais pas qui de la pluie ou de la musique épousait les formes de l'autre, caressait, entourait, ondoyait le plus. Deux sons se rencontrent et le sens est différent. La même mélodie au coeur d'une nuit d'encre, la même musique assombrie par de gros nuages gris, les mêmes notes sous un épais manteau blanc, n'auraient pas eu une signification identique et vice-versa.
Je n'aime pas que ce genre de moment ne dure pas car je dois poser mon sac invisible, celui dans lequel j'ai un instant enfermé infimes soucis et préoccupations pratiques, atterrir et je déteste les atterrissages.
Parfois, pendant ce que j'appelle parfois avec un petit frisson mes heures de bureau, j'ai la sensation que je dupe tout le monde sans le vouloir ou alors qu'eux ne voient pas qu'ils ont affaire à une sorte de leurre. Cela m'irait mieux d'alunir. Mais c'est céder à la facilité que de se fixer des objectifs trop difficiles pour n'avoir jamais à les atteindre. Plutôt faire des petits ou moyens voyages qu'échafauder des plans pour des expéditions périlleuses qui n'auront peut-être jamais lieu, vouloir toucher du doigt de vraies émotions, plutôt que de tenter de se rassasier de chimères. Entre excès de raison et péché de romantisme, le juste équilibre est difficile à trouver.
Je n'écris pas de manière générale pour parler de moi mais j’avoue aimer que ma partition puisse avoir une résonance dans d’autres symphonies quotidiennes.
Je n’écris pas pour tenir une forme lue de journal intime. Je ne sais pas trop pourquoi en fait... Peut-être parce que j'ai soif d'humanité depuis tous les angles par lequel ce grand mot peut être observé.
La musique est un chemin à chaque fois un peu différent. Je repasse une chanson que j'ai écoutée il y a quelques instants et je vois des petits cailloux que je n'avais pas remarqués lors de mon premier passage. C'est là l'un des atouts de ce genre de voyage : pouvoir facilement revenir sur ses pas.
[c’est top] Et que de choses on laisse dans la musique... des parfums, des attouchements, des souffles du vent, des sourires... et tout ces morceaux de vie reviennent, apportés par le flot des notes, chargés de souvenirs, comme un album de photos post-voyage... au moins, parfois. au mons, pour moi ;)
Bonne journée ;))
Rédigé par : cartesienne | 25 avril 2008 à 16:21
[c’est top] J'aime beaucoup cette idée de partitions qui se croisent et se rencontrent. Et aussi celle de perdre pour apprendre. Bref, j'aime beaucoup ce texte.
Rédigé par : leConcombre | 27 avril 2008 à 11:35
[c’est top] 2 commentaires seulement? Mais c'est parce que les voxiens ont été abasourdis. Comment l'expliquer autrement? Tout est si juste! "
et je ne discernais pas qui de la pluie ou de la musique épousait les formes de l'autre, caressait, entourait, ondoyait le plus"
. Le climat de ton texte me rappelle cette chanson de Keren Ann (ce mélange entre la musique et le contexte qu'évoque le début "Tombent les nuits à la lueur des bougies qui fondent" et quelqu'un qui regarde par la fenêtre)
Rédigé par : Nach | 22 août 2008 à 11:06